LES RUSSES NE FONT PLUS D'ENFANTS, MAIS MOSCOU AURAIT TROUVé COMMENT SAUVER SA DéMOGRAPHIE

La taux de natalité russe décline rapidement, alors que le pays "sacrifie" une partie de sa jeunesse sur le front ukrainien. Devant cette situation qui bascule la Fédération dans une crise démographique, Moscou prend des dispositions incitatrices... dès le collège.

C'est le cauchemar de tout pays, depuis la Corée du Sud jusqu'à la France, qui a récemment sonné le début du "réarmement démographique" : une natalité qui décroît. Depuis la stratégie économique jusqu'à la force militaire, une population vieillissante est une mauvaise nouvelle pour les autorités, et Moscou fait des cheveux blancs. En juillet, le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a déclaré la situation "catastrophique" pour l'avenir de la Russie. De quoi faire dire à la cheffe du comité de la Douma pour la protection de la famille, Nina Ostanina, que la mère patrie exigeait une "opération démographique spéciale"

Ainsi, rappelions-nous il y a quelques jours, le taux de natalité en Russie est à son plus bas depuis 1999, le nombre de naissances étant passé sous la barre des 100 000 en juin, selon l'agence Rosstat. De janvier à juin 2024, 599 600 enfants sont nés en Russie, soit 16 000 de moins qu'au cours de la même période en 2023. En parallèle, le déclin de la population russe s'est accéléré de 18 %, avec 49 000 décès supplémentaires enregistrés en 2024 par rapport à l'année précédente. Pays-continent, la Russie compte aujourd’hui plus de 146 millions d’habitants mais l'agence nationale Rosstat mise sur un déclin de 500 000 personnes par an en moyenne dans les prochaines décennies, soit un bilan de 138,8 millions d’habitants en 2046.

Morts au champ d'honneur en Ukraine, expatriations à gogo, évolution des modes de vie et des mentalités… Les Russes sont de moins en moins branchés bébés. Et le phénomène, couplé à un déséquilibre entre les sexes dans la population — les femmes et les filles représentent environ 54 % de la population russe, contre 46 % pour les hommes selon Cherta media repris par Meduza — laisse présager le pire pour les décennies à venir.

Un cours de valeurs pro-famille dès le collège

Qu'à cela ne tienne : les autorités moscovites ont un plan pour encourager les citoyens à procréer, et il commence précocement. Ainsi, la Russie a officiellement introduit —avec un corpus de cours destinés à la sécurité et à la défense dont nous parlions il y a quelques mois— un nouveau cours en cette rentrée scolaire 2024. Intitulé Études sur la famille, il est supposé être dispensé aux collégiens et aux lycéens, et doit leur inculquer "des valeurs et des attitudes pro-famille telles que le mariage, les familles nombreuses et la chasteté" et promouvoir des comportements qui répondent aux "défis démographiques" de la Russie, selon les créateurs du programme cité dans un autre article de Meduza. Ils affirment que "la valeur de la vie familiale est souvent diminuée chez les jeunes en raison de l'influence négative d'idéologies destructrices". Ainsi les autorités veulent croire que les jeunes peuvent apprendre à vouloir des enfants. Simple, basique.

Meduza détaille les blocs thématiques prévus dans la matière, au niveau collège. Ils sont au nombre de 5 :

"-L'individu, la famille et la société : enseigner comment les gens choisissent un partenaire de vie et pourquoi la famille est importante pour les enfants et la société.

-Mes proches : Similaires et différents — l'importance des relations avec les frères et sœurs et les grands-parents, et comment explorer l'histoire de votre famille.

-La vie au foyer et au-delà — ce qui fait un foyer, comment gérer un ménage, planifier un budget familial et les "avantages et inconvénients d'une jeune famille dont les enfants vivent avec leurs parents ou des membres de leur famille".

-La chose la plus importante est l'atmosphère du foyer — ce qui crée un environnement familial sain (selon les concepteurs du cours, le fait d'avoir beaucoup d'enfants est essentiel), ce qui maintient les familles unies (ce bloc encourage les étudiants à discuter de sujets tels que "l'amour, la loyauté, le soutien mutuel et l'honnêteté", ainsi que "la masculinité et la féminité"), comment éviter les conflits, comment passer du temps de qualité ensemble, et pourquoi un mode de vie sain est important.

-La famille moderne et ses droits - comment fonctionne le mariage en Russie, l'âge légal du mariage, le soutien social et les avantages pour les familles (y compris des discussions sur le prix "Mère héroïne", un titre honorifique pour les mères russes qui donnent naissance à plus de 10 enfants et les élèvent), et les droits et responsabilités des parents et des enfants."

La démographie russe : des décennies de problématique

Une dialectique qui rappelle immédiatement celle utilisée par le parti communiste jusqu'aux dernières heures de l'URSS : un cours similaire, appelé Éthique et psychologie de la vie familiale avait ainsi été introduit de manière expérimentale du début des années 1980 au début des années 1990. Il couvrait des sujets tels que "Le premier amour", "Les hommes, les femmes et la révolution sexuelle", "Les secrets de la maternité" et "Le divorce dans la dignité".

De fait, le sujet de la natalité est une problématique constante pour le Kremlin : la population de la Russie est en déclin depuis les années 1990, avec de brèves périodes de reprise. En 1999, le taux de natalité s'établissait à 1,6, soit un niveau inférieur à celui de la Seconde Guerre mondiale, rappelle euronews. Dans une intervention devant l'assemblée fédérale en 2006, Vladimir Poutine sévissait déjà : "et maintenant, parlons de l’essentiel. C’est quoi l’essentiel chez nous ? Il va s’agir de l’amour, des femmes et des enfants". Des politiques publiques d'incitation à la natalité ont été mises en place dans les années 2000 et 2010, valorisant le rôle de la femme au foyer, et les naissances multiples dans les familles avec l'appui de l'église orthodoxe de Russie… en vain.

L'introduction d'un cours, en discussion depuis 2017, changera-t-elle la donne ? Rien n'est moins sûr, d'autant qu'en cette rentrée quatre enseignants et plusieurs parents de différentes régions de Russie ont déclaré à Meduza qu'aucun cours d'"études familiales" n'avait encore eu lieu dans leurs écoles. Un enseignant d'une école rurale a suggéré que les cours pourraient commencer vers la fin du mois de septembre. Il n'est pas certain que le souvenir de ces cours incite les jeunes Russes envoyés au "hachoir ukrainien" à procréer.

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